« On ne peut se défendre d’une certaine humeur », écrivait Kant, quand « on regarde les faits et gestes des hommes sur la scène du monde ». Ces propos des années 1780 restent les nôtres, d’autant plus que la litanie des guerres et des massacres semble sans terme et que les plus puissants de nos contemporains ne sont pas précisément animés par le respect du droit, du vivant et de la dignité humaine.
Le constat d’une régression dans le processus de civilisation s’impose, du moins du côté des « élites », au spectacle de la violence brute, érigée en idéal et en norme, d’une extraction sans fin, qui puise dans les êtres et le monde jusqu’à l’épuisement, et d’une jouissance dans la dévastation qui laisse pantois. Il reste que la comparaison historique fournit tout de même de nombreux motifs d’espoir pour une humanité en quête de paix et d’intelligence, que la guerre contre la science, la démocratie et le vivant n’est pas une fatalité et qu’il reste possible de faire rimer histoire et espoir.
Johann Chapoutot est professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne. Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne contemporaine et du nazisme, il a publié douze ouvrages traduits dans dix-sept langues, dont Le nazisme et l’antiquité (PUF, 2008), La loi du sang (Gallimard, 2014), Libres d’obéir (Gallimard, 2020), Le grand récit. Introduction à l’histoire de notre temps (PUF, 2021) et Les irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ? (Gallimard, 2025).