Nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale sur l’initiative d’un groupe de personnalités genevoises conscientes de la nécessité d’une reprise du dialogue dans un monde déchiré, les Rencontres Internationales de Genève (RIG) ont tenu leur première session en 1946. Le succès de cette première réunion incita les promoteurs à poursuivre cet effort en vue de maintenir un dialogue culturel visant à l’universel.

Programme 2024 - Identités d'Aujourd'hui

DEPUIS LONGTEMPS, le concept anthropologique et juridique d’identité désigne le caractère de ce qui est invariable, comme l’identité personnelle (1756). À la naissance d’une personne, entre ascendance et descendance de parentèles, l’état civil en instaure l’identitéCelle que depuis la fin du XVIIIe siècle certifient des documents officiels, dont le certificat de baptême, le « laisser-passez », le « sauf-conduit », la « plaque d’identité », le « passeport », la carte d’identité ou le visa. La « photo d’identité » visualise les traits permanents et distinguables du sujet, de face ou de profil. En cas de délit ou de crime, il est l’objet de l’« identité judiciaire ». Ces dispositifs du contrôle social de l’État moderne sont liés aux usages de la guerre, au périple transfrontalier, aux migrations transnationales, à la police des gens, à la justice.

Actuellement se confirme et se déploie un lent mouvement d’individualisation sensible de nos sociétés. Au temps du « radicalisme individuel », on peine à réduire l’identité aux universelles et habituelles règles juridiques du droit ou de la police des gens. Pour une personne, il s’agit là d’être un individu donné afin d’être reconnu ou d’être identifié comme tel de la naissance à la mort. Or, les institutions traditionnelles (Nation, Église, École, famille, couple) perdent peu à peu leur force intégrative de configuration et de façonnage identitaires : « s’il y a donc toujours des traditions dans nos sociétés, elles sont conçues non plus comme des sources d’inscription prescrivant des manières d’être, de penser et d’agir, mais seulement comme des ressources symboliques à la disposition des individus pour construire leur identité, sans aucune obligation ni sanction » – écrit Jean-Marie Donegani.

En conséquence, les identités versatiles actuelles ne sont-elles pas en train de forger des sphères normatives, autant disparates qu’inédites ? S’y agrègent pêle-mêle des ingrédients sociaux, politiques, religieux, territoriaux, culturels, voire biologiques. S’y ajoutent aussi des expériences d’intimité et des modes de subjectivité qui radicalisent la tyrannie des micro-identités jusque sur l’espace public. Entre l’un ou l’autre de ces apports, l’instance identitaire oppose de nouvelles hiérarchies de valeurs et d’inattendues directives aux configurations d’universalité. Celles notamment de l’identité politique, juridique ou civique dans l’héritage du contrat social selon les Lumières. Nous serions arrivés au point que « la configuration sociétaire issue de la donne séparatiste affirme le primat de l’individuel sur le collectif ; c’est donc la croyance dans l’identité et la souveraineté du sujet qui conditionne les identifications aux groupes familiaux, professionnels, politiques ou religieux, permettant de les considérer comme issus de choix personnels et non d’assignations héritées.[Donegani]»

Au prisme de nouveaux seuils du sensible ou du tolérable, dans la culture subjectiviste contemporaine, comment penser en collectivité les identités complexes et ambulantes d’aujourd’hui — notamment entre égotisme, communautarisme, intégrisme confessionnel, ethnicité, wokisme et déclinaison du genre ? Pourtant, reste béant le problème de l’« identité démocratique » (Milan Kundera évoquait jadis l’« identité européenne » comme paradigme de la démocratie des Modernes) dans un monde malmené où l’autoritarisme et le populisme en contestent l’héritage, en dénigrent la culture politique, en minent les usages contemporains dans l’État de droit. Avec des conférences inédites, Eric Fottorino, Léonora Miano, Sylvie Perez et Olivier Roy évoqueront des questions cruciales que soulèvent pour demain les identités complexes d’aujourd’hui.

Vue d’ensemble

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INTERVENANT : Aurélien BARRAU

« Catastrophe écologique : état du monde et perspectives »
Directeur du Centre de Physique Théorique Grenoble-Alpes

Nous entrons dans une ère d’extinction massive. Alors que nombre de réactions face à cet événement rarissime – même sur des échelles de temps géologiques – se focalisent sur le réchauffement climatique et ses solutions techniques, Aurélien Barrau cherchera à montrer que la catastrophe est en réalité systémique et plurifactorielle. Tout à l’opposé du technosolutionnisme, les dimensions philosophiques et axiologiques seront soulignées. Quelques ébauches de voies d’extraction seront également esquissées, proposant notamment de repoétiser notre rapport au réel.
Aurélien Barrau est astrophysicien à l’Université Grenoble-Alpes. Spécialiste de relativité générale et de cosmologie, il dirige le Centre de Physique Théorique de Grenoble. Lauréat de plusieurs prix scientifiques et membre honoraire de l’institut Universitaire de France..

Conférence : Ressentiment. Périls et espoirs démocratiques.

Avec Ivan Krastev, Anne Nivat, Antonio Scurati et Barbara Stiegler.

Le ressentiment amalgame la rancune et l’animosité envers ce qui est désigné comme la source d’un préjudice, d’un mal subi, d’une humiliation réelle ou ressentie, d’une injustice. Au plan individuel, le ressentiment embrase la jalousie et les conflits, affermit l’agressivité, décuple la haine. Collectivement, le ressentiment attise les griefs contre les institutions, le régime politique, les étrangers identifiés à l’altérité inassimilable. Des prophètes populistes et des dirigeants messianiques instrumentalisent le ressentiment pour mobiliser les foules dans l’intolérance confessionnelle, la revanche politique contre les « privilégiés », la dénonciation de « boucs-émissaires », la brutalisation sociale, le nationalisme belliciste, la xénophobie, le durcissement identitaire…

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