Pourquoi cette obsession pour l’identité, relativement récente tant dans le débat public que dans la recherche en sciences humaines ?
On la pense souvent confinée à droite, -nation, terroir, race- mais elle surgit à gauche tant dans le multiculturalisme que dans le débat sur le genre. Elle se réfère au groupe, où elle marque plutôt l’essentialisme et l’immanence du collectif, mais aussi à l’individu où paradoxalement elle est corrélée au choix et à la liberté. La religion s’en empare ou plutôt elle s’empare de la religion : l’identité chrétienne de l’Europe est désormais affaire de racines plus que de foi, et indique donc une absence plus qu’une présence.
Nous défendons la thèse que cette inflation identitaire marque une crise profonde non seulement des cultures (nationales ou autres) mais de la notion même de culture.
Olivier Roy est Professeur à l’Institut Universitaire Européen de Florence, où il a dirigé le projet ReligioWest au Centre Robert Schuman. Il enseigne aussi au Master Challenge for Statecraft de la School of Transnational Governance de l’IUE. Agrégé de philosophie, diplômé de l’INALCO (persan), Olivier Roy est titulaire d’un doctorat de sciences politiques de l’IEP de Paris et d’une habilitation à diriger des thèses. Il a été consultant au Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie du Ministère français des Affaires Étrangères de 1994 à 2009, et visiting professor à l’Université de Berkeley (Californie) en 2008-2009. Il est, entre autres, l’auteur de « L’Échec de l’Islam politique » (1992), « L’Islam mondialisé » (2002), « La Sainte Ignorance » (2008), « En quête de l’Orient perdu » avec J.L. Schlegel (2014), « Le Djihad et la Mort » (2016), « L’Europe est-elle chrétienne ? » (2018) et « L’Aplatissement du monde » (2022). Il a aussi écrit un roman « La Frontière » (éditions du Cerf).